Entité
du 14 juin au 19 juin 2022
Est Galerie - 76 rue Saint-Maur, 75011 Paris
Artistes Exposants :
Adèle Bessy, Adrien Conrad, Charlotte Désétoiles, Claude A. Thibaud, Claudia Vialaret, Corinne Debonnière, CY. Pavel, David Cow, Elian Lacroix, Elise Van Es, Emmanuelle de Rosa, Emily Helstroffer, Eric Kilat, Emma Tenailleau, François Martin Vallas, Fir, Ho Pui San, Jean François Morro, Jérôme Royer, Mehnoush Modonpour, Michel Marant, Michel Verna, Orlando Latour, Ronnie Jiang, Solène Dumas, Stéphane Martin, Silvimoro, Turzo, Valko, William Bolze-Evain.
Entité - Par Cyril Schwastiak
L’entité, qui désigne littéralement une « chose qui existe », pose la question de ce qu’est l’art, de la quiddité d’une œuvre. Dans un siècle ou « l’indisponibilité » de l’œuvre semble être devenue la règle, peut-il encore se trouver dans l’art contemporain les charges émotionnelles d’une Victoire de Samothrace ou de La persistance de la mémoire ?
Un memento mori qui semble être la préfiguration d’un arrêt du temps sur l’art, d’une parenthèse fantastique qui allait couper la création du monde auquel elle appartient, et duquel elle naît. Car, pour certains, l’art est mort avec l’art contemporain. Disparu dans les méandres du surréalisme, du Pop art, du Fluxus ou encore du postmodernisme, le dépassement de l’art semble avoir oublié son propre objet.
L’art s’est conceptualisé, spiritualisé, dans l’abandon même de la représentation du divin, laissant sur le chemin les admirateurs, les amateurs, tous ces profanes qui ne disposent plus des codes pour comprendre la beauté d’une œuvre. Alors, certains remontent le temps, contemplant Les âges de la vie de Friedrich, ou encore Breezing Up d’Homer, comme si l’art moderne était ce voyageur, de Bruno Catalano, qui a créé ce vide dans le cœur des Hommes, d’un pays oublié entre un urinoir[1] et une boîte à savon[2].
L’art contemporain se trouve aujourd’hui dans le dépassement de lui-même, comme égaré dans une ère d’après le ready-made, ou la Maman de Louise Bourgeois. Il semble avoir perdu sa filiation, enchevêtré dans une toile dont les fils de la liberté créative l’ont rendu prisonnier, incapable de créer un lien entre les Hommes, qui soit autre chose que de l’incompréhension.
La société semble avancer sans lui, le niant, le haïssant, incapable de comprendre l’œuvre en dehors de l’œil du critique d’art, dont l’expertise fait la valeur ou la laideur. En cela, l’art n’aurait-il pas suivi cette civilisation des experts, de la normalisation, de la bonne conduite, tout en jurant s’en émanciper, au nom de la nécessaire anormalité de l’artiste, qui fait œuvre de disruption ?
Voilà que, dans ces murs nés quand s’organisait le mouvement de l’art incohérent, s’exposent des entités habitées d’une aura nouvelle. Des identités qui dépassent l’œuvre, embrassant celles de ces artistes connus ou inconnus, reconnus ou légitimes anonymes, qui peignent, sculptent, performent et cultivent les arts mixtes, pour que l’eccéité soit à nouveau beauté, émotion et émancipation.
Dans les murs de l’Est galerie, Hybrid’s Crib invite les artistes de tous horizons, à exposer leurs œuvres, inscrivant ce lieu dans le hic et nunc de leur création, dans une intemporalité momentanée, un arrêt sur ce temps, filant interminablement, que seule l’identité de l’entité peut réaliser.
L’entité est l’unité du temps et du lieu, une beauté platonicienne, faite de cercles et de plans, de figures et de formes, dans un enchevêtrement chromatique induisant la contemplation extatique. Elle est une intuition, une idée vague de l’existence ou de l’existant, qui trouve son essence dans la substance du réel.
L’entité est ce qui lie le monde tangible, palpable, à sa représentation allégorique voir chimérique. Elle est une abstraction fantasmagorique, la perception individualisante d’un artiste qui offre au grand public son identité sur l’autel de l’art. Elle est une part de lui-même, si ce n’est pas même son idiosyncrasie.
[1] Fontaine, Marcel Duchamp, 1917.
[2] Andy Warhol, Boîte de savon Brillo, 1964.